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«Il faut libéraliser l’initiative privée pour rompre avec la rente»

Dossier janvier 2018

«Il faut libéraliser l’initiative privée pour rompre avec la rente»

Mohamed Boussaïd, ministre de l’Économie et des Finances, fait un bilan d’étape du Plan de développement des provinces du sud et plaide pour une montée en puissance de la création de valeur ajoutée locale.

Comment jugez-vous l’état d’avancement du plan de développement des provinces du sud lancé par le Roi en 2015?
La Région constitue aujourd’hui une véritable locomotive pour le développement économique et social. C’est un maillon essentiel étant donné l’importance des attributions de développement qui lui sont conférées et les moyens financiers qui sont mis à sa disposition. Depuis l’entrée en vigueur des dispositions de la loi organique relative aux régions, les ressources financières affectées chaque année aux régions se sont renforcées pour atteindre 7 milliards de dirhams au titre du projet de Loi de finances 2018. L’objectif est d’atteindre 10 milliards de transferts vers les régions, en 2020, pour faire face aux missions qui leur sont propres. Ce montant résulte de l’augmentation progressive des parts de l’Impôt sur les Sociétés et de l’Impôt sur le Revenu transférée aux régions pour atteindre 5% au lieu de 1%, et des recettes provenant des contrats d’assurance (20% au lieu de 13%), en plus de l’augmentation des dotations budgétaires annuelles provenant du budget général. La régionalisation sera accélérée par le transfert d’une partie des attributions de l’Etat avec les ressources nécessaires aux régions. Le programme de développement des provinces du sud représente un investissement global de 77 MMDH sur la période 2015-2021, ventilé sur 650 projets. Il s’inscrit pleinement dans cette dynamique impulsée par la régionalisation avancée. Ce programme a entamé, aujourd’hui, la phase de concrétisation des actions, après la signature des conventions de soutien financier de l’Etat au profit des trois régions du sud et des contrats programmes de développement intégré pour chaque région. Jusqu’au mois d’août 2017, le nombre de projets achevés a atteint 34 projets avec un investissement global de 2,71 milliards de dirhams. 161 projets sont en cours de réalisation pour un montant de 29,23 milliards.

A date d’aujourd’hui, comment se présente le cadre fiscal et juridique? Est-il vraiment incitatif pour les investissements?
Dans le cadre de l’appui au processus de développement des régions du sud, l’Etat accorde une attention particulière à l’environnement de l’investissement dans ces provinces. Ces efforts sont orientés vers l’amélioration des infrastructures de base, la réduction des déficits sociaux, et les infrastructures économiques. Cet appui s’est traduit par une dynamique prononcée de la région en enregistrant une croissance annuelle moyenne de 7,7%, supérieure à la moyenne nationale (4,4%) pendant la période 2001-2015. Malgré cela, l’investissement privé est encore faible (3-4 milliards de dirhams) et est majoritairement réalisé par des acteurs locaux (à 60-65%), les investisseurs nationaux représentent 30 à 35% et les investisseurs internationaux 10 à 15%. Il faut également veiller à ce que la création d’entreprises dans les régions du sud s’accompagne de création d’emplois et de richesse économique et qu’elle ne soit pas uniquement motivée par des effets d’opportunité des considérations fiscales.

Par quels moyens peut-on lutter contre l’économie de rente dans la région?
Un changement institutionnel en faveur de la libéralisation de l’initiative privée est le meilleur moyen pour rompre avec de tels comportements. Premièrement, la mise en place d’un cadre économique et fiscal lisible, prévisible et incitatif pour les investissements et les activités marchandes devrait être assurée. Deuxièmement, il est nécessaire de diversifier l’économie par le renforcement de la création de la valeur ajoutée locale pour passer d’une économie axée sur les activités primaires, à un cadre qui favorise l’investissement privé, producteur de richesses et d’emplois, dans les secteurs prioritaires du pays tels que l’industrie, l’agriculture, les activités de transformation, l’exportation… Troisièmement, la régularisation et l’immatriculation du foncier public avec des mécanismes qui encouragent son équipement et son assainissement. A ce titre, les Zones Economiques Spécialisées peuvent jouer un véritable rôle dans cette démarche. L’accès aux financements pour les acteurs de taille modeste: les PME, les coopératives et les mutuelles qui agissent dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, est un véritable enjeu et devrait également être facilité.

Dans quelle mesure les provinces du sud peuvent-elles fonctionner comme hub entre le Maghreb et l’Afrique Subsaharienne?
Le Maroc s’est résolument inscrit dans la perspective d’intégration régionale et de coopération sud-sud concrétisée par son retour à l’Union africaine et sa demande d’adhésion à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Au-delà des efforts entrepris au niveau des pays amis pour réussir une telle intégration, le Maroc s’est engagé à préparer ses provinces du sud pour qu’elles soient le carrefour d’une telle ambition. C’est dans cette optique que le nouveau modèle de développement des provinces de sud est mis en œuvre. Ce programme ambitionne ainsi de renforcer la connexion territoriale des régions du sud avec les autres régions du Royaume, d’une part, et d’autre part avec les pays de la Cedeao. Il vise également à consolider et à accroître les échanges et les flux nationaux et inter-régionaux, à travers le renforcement des infrastructures des provinces du sud: construction de la route atlantique rapide Tiznit-Dakhla sur 1.000 km de voies express gratuites et construction du Port Atlantique de Dakhla. La position stratégique des provinces du sud, ainsi que les efforts déployés pour leur développement en font la plaque tournante entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. L’accent mis par le Maroc dans le cadre des plans de développement de ses infrastructures de transport et de logistique peut également bénéficier aux pays voisins et aux pays subsahariens pour dynamiser les échanges entre ces deux régions à travers le hub marocain.