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Les oligarques d’abord… les citoyens après

Point de vue octobre 2018

Les oligarques d’abord… les citoyens après

Notre pays est coincé dans une crise économique profonde qui dure depuis sept ans et qui est en train de se transformer en une crise sociale grave. Les citoyens, toutes strates confondues, sont fatigués d’entendre des discours vagues qui n’apportent rien de concret à leur quotidien. C’est ainsi que la crédibilité de toutes les institutions du pays est mise en équation dans un débat public virulent qui n’épargne plus personne.
Le modèle économique ultralibéral prôné par le règne de Mohammed VI et qui remplace le modèle d’Etat providence de Feu Hassan II, n’a pas généré la croissance prévue pour faire face aux nouveaux défis du pays. Même les années fastes de la première décennie du règne n’ont pas été redistributives. Par ailleurs, le choix de favoriser des champions nationaux pour construire le pays était une fausse bonne idée, qui a enfanté un «crony capitalism» (capitalisme de la connivence).
Pour moi, le cas Samir est à décortiquer de près, car il concentre tous les maux de l’Etat. Après avoir été un fleuron de notre économie pendant des décennies, l’annonce de sa mise en liquidation judiciaire inquiète, car elle laisse derrière elle des milliers de sans-emplois et 40 milliards de dirhams de pertes, dont la moitié concerne l’Etat. Et pourtant, les gouvernements qui se sont succédés disposaient de tous les organes et outils de contrôle pour éviter cette descente aux enfers. N’oublions pas que la Samir opérait dans un secteur fortement encadré, et qui plus est était cotée à la Bourse de Casablanca ! Au contraire, le citoyen a eu droit à un silence suspect qui a enveloppé cette entreprise, et qui cachait une opacité mafieuse liant le Maroc à l’Arabie Saoudite. L’Etat a-t-il fermé les yeux en contrepartie d’aides ?
Au lendemain de la cessation d’activité de la raffinerie en 2015, le ministre de l’Intérieur de l’époque s’était empressé de convoquer tous les distributeurs d’hydrocarbures chez lui. Les choses devenaient urgentes, car la fermeture de la raffinerie menaçait l’approvisionnement du pays. «Sa Majesté ne veut pas de rupture d’approvisionnement», leur avait confié Mohamed Hassad. Le sourire aux lèvres, la douzaine de distributeurs d’hydrocarbures étaient devant une situation inespérée : ils venaient de mettre la main sur 100% des importations du pays!
Moins de deux ans plus tard, ce qui devait arriver, arriva. Les réseaux sociaux se sont fait écho d’un manque de corrélation flagrant entre les prix du carburant à la pompe et les prix du baril à l’international réveillant l’attention de la Fédération Nationale des Associations du Consommateur et la curiosité de quelques parlementaires. Le scandale Samir venait d’accoucher d’un autre scandale tout aussi important.
Si aujourd’hui une enquête a officiellement été commanditée par le Parquet sur cet abus qui a pesé près de 17 milliards de dirhams de plus sur le panier de la ménagère, on attend de voir s’il existe un courage politique pour aller jusqu’au bout de ce dossier. Je parle de courage politique, car l’instruction du Parquet s’apparente à un suicide collectif (…), tellement il y a de personnalités qui gravitent autour.
Dans le sillage de ce deuxième scandale économique est né le boycott des trois grandes marques, et le lien entre les deux- même s’il n’est pas avéré – existe bel et bien. Le boycott est le reflet du ras le bol des citoyens de voir que tous les grands choix économiques se font en faveur d’un réseau de favorisés cumulant les rentes de situation. Ce qui naturellement pèse sur le pouvoir d’achat et crée un sentiment de vendetta sociale. Si l’Etat a perdu la confiance du citoyen, c’est que ce dernier a compris que ceux et celles qui sont censés veiller sur ses intérêts servent avant tous les intérêts d’un système oligarchique.